Le 5 décembre 2024, l’ex-premier ministre guinéen Kasory Fofana, qui avait été incarcéré à la Maison centrale de Conakry dans le cadre d’une enquête sur des accusations de corruption et d’autres malversations liées à son rôle sous le régime d’Alpha Condé, a été libéré pour des raisons de santé. La décision a été prise par la Commission de Révision des Infractions et des Fautes (CRIF) ? une institution mise en place par la junte au pouvoir depuis le coup d’État du 5 septembre 2021. La libération de M. Fofana intervient dans un contexte où la Guinée, sous la transition militaire dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya, fait face à de nombreux défis politiques et sociaux. La libération a immédiatement attiré l’attention des observateurs nationaux et internationaux, soulevant des interrogations sur les motivations réelles de cette mesure.
Le cas de Kasory Fofana n’est pas sans rappeler celui de l’ex-président Alpha Condé, qui, dans un geste similaire de libération pour raisons de santé, a été autorisé à quitter le pays de manière définitive après sa chute du pouvoir. Cette décision de la CRIF soulève plusieurs questions : est-ce un geste humanitaire, une stratégie politique, ou un moyen de recourir à une forme de libération conditionnelle qui pourrait aboutir à une liberté totale ? Une analyse approfondie des circonstances entourant cette libération et de ses conséquences potentielles sur l’avenir politique de la Guinée semble nécessaire.
Le contexte de la libération de Kasory Fofana
Kasory Fofana, ancien Premier ministre sous Alpha Condé, a été emprisonné à la suite de son implication présumée dans des affaires de corruption liées à la gestion des ressources publiques durant le second mandat du président déchu. Accusé de détournement de fonds et d’enrichissement illicite, son arrestation en 2022 a fait l’objet de nombreuses polémiques. Depuis le coup d’État militaire de septembre 2021, la junte au pouvoir, dirigée par le Colonel Mamadi Doumbouya, a ouvert plusieurs enquêtes sur les anciens responsables politiques et économiques du régime d’Alpha Condé, parmi lesquels Fofana occupait une place de choix.
Cependant, la situation de Kasory Fofana a pris un tournant important le 5 décembre 2024, lorsqu’il a été libéré sous des conditions strictes, notamment pour des raisons de santé. Selon des sources proches de la CRIF, l’ex-premier ministre aurait subi une dégradation de sa santé en détention, ce qui a motivé sa libération. Bien que cette décision soit officiellement justifiée par des considérations humanitaires, elle intervient également dans un contexte de pression internationale et nationale croissante pour améliorer les conditions de détention des anciens hauts responsables du régime précédent.
Le précédent de l’ex-président Alpha Condé
La libération de Kasory Fofana rappelle fortement celle de Alpha Condé, l’ex-président guinéen, qui, après sa chute du pouvoir en septembre 2021, a été placé en résidence surveillée avant de quitter la Guinée pour un traitement médical à l’étranger. À la suite de la prise de pouvoir par la junte, Alpha Condé a bénéficié d’une libération sous conditions similaires pour des raisons de santé, bien que certains observateurs aient estimé que cette décision était motivée par des considérations politiques et diplomatiques plutôt que par un véritable souci de bien-être.
Les deux événements ont en commun l’élément de la libération pour raisons de santé, ce qui a amené de nombreux analystes à se demander si ces gestes ne faisaient pas partie d’une stratégie plus large de réconciliation politique. En effet, après un coup d’État qui a renversé un régime de plus de dix ans, la junte guinéenne semble s’efforcer de maintenir une certaine stabilité politique en évitant des tensions prolongées avec les figures du gouvernement déchu, tout en apaisant les pressions internationales.
La question de la « liberté totale »
La libération de Kasory Fofana soulève la question suivante : s’agit-il d’une libération temporaire pour des raisons humanitaires, ou d’un premier pas vers une liberté totale et définitive ? En d’autres termes, la CRIF a-t-elle l’intention de faire de ce geste une mesure de clémence qui pourrait s’étendre à d’autres membres du régime d’Alpha Condé, voire aux responsables emprisonnés sous l’actuelle transition ?
Il est intéressant de noter que la CRIF, tout en étant un organe indépendant, n’est pas à l’abri des pressions politiques et sociales. La situation est encore plus complexe à la lumière de la transition en cours, qui fait face à de nombreux défis internes, notamment en matière de droits de l’homme et de gouvernance. La libération de Fofana, tout comme celle de Condé, pourrait être perçue comme un moyen pour la junte de se présenter comme un acteur réconciliateur, cherchant à effacer les stigmates d’un régime militaire, tout en renforçant son autorité politique.
Les implications politiques et sociales
La libération de Kasory Fofana pourrait également avoir des répercussions importantes sur l’avenir politique de la Guinée. Si Fofana, une figure importante du régime d’Alpha Condé, obtient une forme de clémence qui l’amène à retrouver sa liberté de manière définitive, cela pourrait entraîner une réhabilitation partielle ou totale des figures du régime précédent. Cela pourrait également faciliter un dialogue politique entre la junte et les anciens responsables politiques, qui cherchent à retrouver leur place dans le processus de transition.
En revanche, une telle décision pourrait aussi alimenter des critiques internes, notamment de la part des partisans du changement radical qui jugent que les responsables du régime Condé devraient être tenus pour responsables de leurs actes. La réconciliation, bien que nécessaire pour la stabilité, pourrait être perçue par certains comme un compromis politique qui ne résout pas les problèmes fondamentaux de gouvernance et de justice sociale.
La libération de Kasory Fofana par la CRIF pour des raisons de santé soulève une série de questions concernant la véritable motivation derrière cette décision. Bien que l’on puisse y voir une mesure humanitaire, elle semble également s’inscrire dans une stratégie politique plus large qui vise à maintenir l’équilibre fragile au sein du pays. À travers ce geste, la junte guinéenne cherche peut-être à instaurer un climat de réconciliation et à désamorcer les tensions post-coup d’État, mais il reste à voir si cette politique de clémence sera perçue positivement par la population et les acteurs politiques.
En tout état de cause, l’avenir de Kasory Fofana et d’autres figures de l’ancien régime reste incertain, et la question de leur réhabilitation politique et judiciaire est un dossier qui continuera d’alimenter les débats en Guinée dans les mois à venir.
M Bachir Baldé Pour cnews.info