Depuis quelques jours, la situation en Côte d’Ivoire est marquée par des tensions croissantes entre les forces armées françaises et ivoiriennes. Ce climat de discorde, bien que latent depuis plusieurs mois, a éclaté au grand jour avec des incidents de plus en plus fréquents et une vive opposition de certaines factions de l’armée ivoirienne contre la présence française sur le sol ivoirien. La situation est particulièrement tendue, et les divergences qui existent entre les deux armées sont devenues de plus en plus apparentes, notamment sur des questions de souveraineté nationale et de gestion des opérations militaires.
Les tensions ont trouvé leur origine dans des désaccords profonds concernant le rôle de la France en Côte d’Ivoire, un pays où la présence militaire française, notamment à travers l’opération Barkhane et la force Licorne, est depuis longtemps une réalité. Cependant, les événements récents ont mis en lumière un rejet grandissant de cette présence. Une partie des forces armées ivoiriennes, en particulier certaines unités, ont exprimé ouvertement leur mécontentement et leur volonté de voir les troupes françaises quitter définitivement le pays.
Au cœur de ce mécontentement se trouve la perception, partagée par certains militaires ivoiriens, que la France, à travers ses interventions militaires dans la région, chercherait à déstabiliser les pays membres de l’Alliance des États Sahéliens (AES), notamment en Afrique de l’Ouest. L’accusation principale est que l’armée française, en intervenant dans les affaires internes de la Côte d’Ivoire, cherche à maintenir une forme de tutelle sur le pays, minant ainsi sa souveraineté. Une partie de l’opinion publique, bien que discrète, semble aussi soutenir cette position, estimant que le moment est venu pour la Côte d’Ivoire de prendre pleinement en charge sa propre sécurité sans dépendre de puissances étrangères.
Des incidents concrets ont alimenté la tension sur le terrain. Un exemple frappant est l’incident survenu à la frontière avec le Burkina Faso, où des militaires ivoiriens ont refusé toute coopération avec les troupes françaises. Cet épisode a été perçu comme un signal fort d’un désir d’autonomie militaire et d’une volonté de réaffirmer l’indépendance de l’armée ivoirienne face à ce qu’ils considèrent comme une présence étrangère ingérable.
En outre, l’attaque d’un convoi de forces ivoiriennes en collaboration avec les Français près de la cache d’armes frontalière a exacerbé le sentiment de méfiance. Cet incident, mal compris par une partie des forces armées locales, a ravivé les tensions et renforcé l’idée qu’il existe une volonté de la part de certains éléments des forces ivoiriennes de reprendre le contrôle total de la sécurité de leur territoire sans ingérence extérieure.
Le débat sur la présence militaire française en Côte d’Ivoire soulève également des questions plus larges concernant la souveraineté nationale et la gestion de la défense nationale. Pour les partisans d’un retrait des troupes françaises, il est crucial que l’armée ivoirienne assume pleinement son rôle en tant que gardienne de la paix et de la sécurité du pays. Ils estiment que, malgré les compétences des troupes françaises, les peuples d’Afrique, en particulier ceux de la zone AES, doivent être maîtres de leur propre destin en matière de défense.
En citant Thomas Sankara, ancien président burkinabè et fervent défenseur de l’indépendance militaire et politique de l’Afrique, certains militaires ivoiriens rappellent que « un peuple conscient ne saurait confier la défense de sa patrie à un groupe d’individus, quelles que soient leurs compétences ». Ces propos, issus de l’iconique révolutionnaire, résonnent aujourd’hui comme un appel à une redéfinition des relations militaires avec les puissances étrangères, et particulièrement la France.
L’inefficacité des interventions militaires étrangères ?
Les opposants à la présence militaire française soulignent également l’échec relatif des interventions de la France en Afrique de l’Ouest. Les crises sécuritaires, en particulier celles liées à l’insurrection jihadiste au Sahel, n’ont pas permis de garantir une stabilité durable. De plus, les critiques sur le manque de coopération véritable entre les troupes françaises et celles des pays concernés se multiplient. Certains soldats ivoiriens jugent que l’armée française n’a pas toujours respecté les intérêts nationaux ivoiriens, ce qui alimente la suspicion et la volonté de reprendre en main la défense du pays.
La question de la coopération ou du retrait ?
La situation reste incertaine. Si la majorité des autorités ivoiriennes, y compris certaines factions de l’armée, continuent de maintenir une position publique de coopération avec les Français, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour réclamer un retrait progressif des troupes françaises. Les autorités ivoiriennes devront ainsi naviguer entre les exigences de leur propre population, les pressions internationales et les impératifs de sécurité régionale.
Les événements actuels en Côte d’Ivoire soulignent un besoin urgent d’une réévaluation des relations militaires entre la France et ses anciennes colonies, notamment dans le cadre des politiques de défense et de coopération sécuritaire en Afrique de l’Ouest. L’issue de ce conflit de souveraineté pourrait redéfinir les contours de l’engagement militaire français sur le continent dans les années à venir.
Pour l’heure, la situation reste tendue, et les regards sont tournés vers les autorités ivoiriennes pour voir comment elles vont gérer cette crise de confiance, tout en préservant leur indépendance militaire et leur souveraineté nationale. Les jours à venir pourraient être décisifs pour l’avenir de la coopération militaire entre la France et la Côte d’Ivoire.
M Bachir Baldé Pour C24news.info