La question de savoir qui détient le titre de Kountigui de la Basse-Guinée suscite actuellement une polémique dans la région. Selon certains de ses proches, Elhadj Mamoudou Camara serait toujours l’actuel Kountigui de la Basse-Guinée, en dépit des débats qui enflamment la région. Ces derniers affirment qu’il est en tournée dans la région, ce qui serait une preuve de son rôle et de sa légitimité. Cependant, cette affirmation est loin de faire l’unanimité, notamment en raison de certaines divergences sur son origine et son élection. Une question centrale persiste : comment un Kaba peut-il être désigné Kountigui de la Basse-Guinée, une région dont les populations sont en grande majorité Malinkés et autres groupes ethniques ?
Un Titre Chargé d’Histoire et de Symbolisme
Le titre de Kountigui est un rôle traditionnel de haute importance dans les sociétés guinéennes, en particulier en Basse-Guinée. Le Kountigui est considéré comme le chef des chefs, l’autorité morale et politique qui régule les affaires des différentes communautés de la région. Historiquement, le Kountigui représente l’équilibre et la paix sociale, chargé de préserver les valeurs ancestrales tout en apportant des solutions aux défis contemporains.
Ce titre n’est pas seulement un symbole de pouvoir, mais aussi un héritage qui reflète les dynamiques sociales complexes de la Basse-Guinée. Il est supposé incarner l’unité des différents peuples de la région, bien qu’il soit parfois source de tensions.
La Tension Autour de l’Élection d’Elhadj Mamoudou Camara
La polémique actuelle trouve son origine dans l’ascension d’Elhadj Mamoudou Camara au poste de Kountigui. Selon certains, cette désignation aurait été faite par les sages de la basse cote, mais les conditions exactes de son élection ne sont pas claires pour tout le monde. Les partisans d’Elhadj Camara soulignent son rôle de médiateur et de guide moral dans la région, affirmant qu’il a été choisi par consensus pour préserver l’harmonie et l’équilibre social. Ses tournées actuelles dans les villages seraient une preuve de l’acceptation de son rôle par les populations locales.
Cependant, plusieurs voix s’élèvent contre cette légitimité. L’un des arguments principaux de la contestation est que, bien qu’Elhadj Mamoudou Camara soit respecté par une partie de la population, il est issu de l’ethnie Kaba, et non des groupes traditionnels de la région comme les Malinkés, qui sont historiquement associés au pouvoir de la Basse-Guinée. Pour beaucoup, cette origine ethnique soulève des questions sur la véritable légitimité de son rôle en tant que Kountigui, titre traditionnellement réservé à un membre des groupes ethniques principaux de la région.
Le Dilemme Identitaire et Ethnique de la Basse-Guinée
La Basse-Guinée est une région marquée par une grande diversité ethnique. Les Malinkés, les Soussous, les Manjaks, les Balantes et bien d’autres groupes cohabitent dans une harmonie fragile, mais chacun conserve ses traditions et son rôle historique. L’idée qu’un Kaba, une ethnie distincte des groupes dominants de la région, puisse être élu Kountigui remet en question l’équilibre traditionnel entre les différentes communautés.
Ce dilemme identitaire soulève une question fondamentale : jusqu’où les critères ethniques doivent-ils jouer dans la désignation d’un leader traditionnel ? Le Kountigui, bien qu’il soit un leader au service de toutes les communautés, doit-il être perçu comme un symbole de la domination d’un groupe ethnique particulier, ou peut-il être le rassembleur de toutes les populations, indépendamment de son origine ? Cette question met en lumière les tensions sous-jacentes de la société guinéenne, où les identités ethniques sont parfois plus marquées que les solidarités communautaires ou régionales.
Les Quatre Régions de la Guinée et la Singularité de la Basse-Guinée
Il est important de noter que la question de la légitimité des Kountiguis ne se pose pas de la même manière dans toutes les régions de la Guinée. En Haute-Guinée, par exemple, le rôle des chefs traditionnels et des autorités coutumières est assez bien défini et ne soulève pas autant de controverses. Les mêmes dynamiques existent en Guinée Forestière et en Moyenne-Guinée, où les critères ethniques sont moins disputés.
En revanche, la Basse-Guinée semble être un cas à part. Non seulement cette région est le théâtre d’un métissage ethnique plus marqué, mais elle a aussi été le centre de plusieurs conflits politiques et sociaux, notamment durant la période coloniale et après l’indépendance. Les débats sur le Kountigui de la Basse-Guinée sont ainsi non seulement une question de droit coutumier, mais aussi un miroir des tensions ethniques et politiques du pays.
Une Légitimité Contestée mais Incontournable
Dans ce contexte complexe, l’élection d’Elhadj Mamoudou Camara en tant que Kountigui de la Basse-Guinée soulève des interrogations légitimes sur la manière dont les leaders traditionnels sont choisis et perçus dans un pays où les identités ethniques restent très marquées. Si la légitimité d’Elhadj Camara reste contestée par certains, il reste néanmoins un acteur incontournable dans le paysage politique et social de la Basse-Guinée. Que l’on soit en faveur ou contre sa désignation, la question de la légitimité des autorités coutumières mérite d’être abordée avec une ouverture d’esprit, en prenant en compte l’évolution des sociétés guinéennes et les réalités contemporaines.
Il ne fait aucun doute que la Basse-Guinée, avec sa pluralité ethnique et son histoire marquée par les tensions sociales et politiques, continuera à être le terrain d’un débat vivant sur l’équilibre entre tradition et modernité, entre légitimité coutumière et enjeux politiques.
M Bachir Baldé Pour C24news.info